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Jean-Paul Souvraz, né à Lens, grandi à Lille, installé à Coudekerque-Branche après un passage à Paris, a poussé entre les transavangardistes italiens et les néo-fauves allemands. Très fin connaisseur de l'histoire de l'art, il s'est libéré des influences pour construire sa propre histoire en lien avec celle de tous les autres. Il a connu son heure de gloire, puis une période moins exposée. Mais quel retour ! La belle exposition lilloise consacre son talent oublié, sa force rebelle, son sens de la fable théâtrale.

 

Ils commencent par vous sauter à la figure, les personnages que Souvraz a bien serrés les uns contre les autres dans le huis clos des quatre coins de ses toiles, comme un metteur en scène des étrangetés combinées. Couleurs affirmées, présences frontales, va-et-vient de l'humain à l'animal : ça change de l'étalage people. Ça bouscule l'ordinaire ! Mais rien à voir avec un expressionnisme outré.

 

Le temps suspend son vol, on entre dans une fable, on est accueilli pour une scène et l'on est invité à partager de bien étranges secrets. Ceux qu'une tête d'oiseau posée sur la tête d'une femme aux bras croisés contre sa poitrine peut échanger avec un masque solitaire et une carpe de couleur arc-en-ciel, à moins qu'un poisson volant, un corps allongé ou un drôle de chien ne viennent se mêler à l'aventure grinçante et enjouée d'une bande à faire pâlir les endiablés de Dunkerque.

 

Cet univers fabuleux, patiemment débridé, s'appuie sur des accords de couleurs majestueux et sur des jeux de formes subtils. Il y a dans chaque Souvraz une circulation incroyable des sentiments, des rêves, des souvenirs, des mythes, mais aussi des gris et des rouges, des aspérités et des arrondis, de la peur et de la curiosité.

 

On pense au cirque comme aux camps de concentration, à la guerre comme aux jeux d'enfance, au carnaval comme aux asiles. Quelle amplitude ! Passé le premier choc, on s'imprègne d'une folle représentation.

 

Jamais rien d'étriqué : tout se gonfle de ce qu'un simple passage sur Terre peut entraîner dans la tête. Et jamais rien de crispé : la malice est plus forte que le désespoir, l'invention repousse l'acculement, l'énigme triomphe de la fatalité. La carpe rejoint le lapin, et la raison n'a plus raison.

 

Bruno Vouters

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