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John Christoforou

John, le combattant inspiré

 

Un panache blanc, une silhouette légère, des yeux de braise. Quand il vous accueille à l’entrée de son atelier de Kremlin-bicêtre, John Christoforou semble sorti d’une grotte, d’une caverne, d’un antre mystérieux. Le ton de voix est grave, la parole lente, les gestes sont d’une précieuse courtoisie. Mais comment ne pas deviner que cet artiste est tout sauf un tiède ? « Je n’avais pas la possibilité de l’indifférence », dit-il lorsqu’il évoque son enfance et sa jeunesse. La mort de la mère puis celle du père, l’arrachement à la Grèce, les cinq années de service dans la Royal Air Force - dont trois dans les missions de sauvetage en mer de victimes de la guerre et des cyclones -, la destruction des œuvres de la période d’apprentissage, l’engagement dans la nouvelle figuration… Autant d’étapes douloureuses ou difficiles.

Mais pas question de geindre ou de faiblir.

Né à Londres de parents originaires de Smyrne, installé à Paris au milieu des années cinquante, John Christoforou n’a jamais cessé de lutter contre une société

anti-humaine. C’est un peintre combattant. Un homme hérissé que navrent la violence, l’hypocrisie, la robotisation. Alors il s’avance avec ses deux yeux et ses deux mains, transformant les toiles vierges en champs de bataille ou en espaces poétiques. La profondeur des noirs, l’intensité des rouges, la façon de brosser la surface, le mouvement des formes : le repos n’est pas permis. Mais à l’agitation fiévreuse de la conscience se joint la magnifique maîtrise de la composition. Quel bonheur de suivre les élans furieux mais subtils qui rendent présents une aile d’ange, une croix sacrificielle ou le galop d’un cheval ! Si John Chritoforou nous empêche d’avoir l’esprit tranquille, il partage à coeur ouvert sa folle énergie. Aux déchirements et aux incertitudes il oppose une vitalité surgie du fond des âges. Comment ne pas songer aux sculptures des cathédrales, aux fresques des églises, aux icônes des chapelles, aux visions de Bosch, Ensor ou Goya ?

De grandes expositions (Paris, Copenhague, Rouen, Villeneuve-d’Ascq, Stockholm, Dresde, Athènes, Reims…) ont célébré sa créativité, mais l’ampleur et la constance de son inspiration restent à découvrir.  Anges, soldats, prophètes, masques, martyrs, rescapés… Rien de trafiqué, rien d’étriqué. Une bonté dure, implacable. Une vérité de cendres et de sang. Une émotion sans sentimentalisme. Une envie de franchir les frontières, de braver le mal jusque dans sa tanière la plus profonde. Des enfouissements et des envolées.

« Nous avons besoin de quelque chose qui soit au-delà de nous, dans l’infini de la vie. C’est notre façon de corriger notre instinct sauvage, de calmer notre animalité, en nous donnant l’espoir d’une force, d’une puissance qui nous dépasse. Mais qui est là. »

A certains on colle l’étiquette de « grands maîtres ».
De John Christoforou il faut reconnaître que c’est un merveilleux et précieux agitateur. Une âme tendre devenue tranchante comme une lame.

 

Bruno Vouters