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Kader Benamer - Urbaines

L’intérêt et l’attrait pour l’image me sont venus en même temps que celles pour les mots. Parallèlement à mes études de lettres, j’ai été passionné par la peinture, le cinéma et la photographie. À 18 ans, j’apprenais à comprendre les textes littéraires, et parallèlement ou pareillement à regarder et à faire des images.

Métaphore de métaphores en somme. Depuis ce double mouvement de lectures et d’écritures ne m’a pas quitté. C’est ainsi que j’ai fait en sorte de poser un projet pluriel, protéiforme et polysémique intitulé : « a m a u r o s e » où se côtoient, se conjuguent, se mêlent, se mélangent écritures, vidéos et photographies. Toujours selon ce principe d’interroger un même objet selon des approches différentes et complémentaires. Cet objet est celui des marges intimes et extérieures, la position de l’homme dans un espace (la ville ou autre) et dans un temps

(l’instant et la suite). Comme toujours, il s’agit de fixer un instant, unique dans sa temporalité, le soumettre au regard et pourtant le démultiplier à l’infini des altérités qui le considéreront. Ton travail est donc multiplication d’une onde qui rencontre l’obstacle fondateur du  « clic » de ton appareil, et derrière ton appareil, un œil, celui de l’artiste Kader Benamer , et puis ce don à tous les regards. On peut dire à coup sûr que ces moments saisis forment une sorte de roman, une écriture où la plume et l’encre sont remplacés par des pas dans la ville et tous ces petits chocs luminescents où le nébuleux côtoie la netteté d’un geste, à moins que le geste ne fût évaporé dans la de la géographie d’un objet qui l’entoure, d’une ou d’un arbre, d’un mobilier, fut-il « urbain ».

Une promenade. Oui, mais désespérée ou désenchantée,  comme les courts poèmes qui  accompagnent les images tendent à le laisser penser. Dans un style bref, ces haiku déréglés, assombris et légèrement occultes, donnent au tout la tonalité d’une promenade qui cherche son désespoir, ou plutôt davantage peut-être « son angoisse » au sens heideggerien du mot. Peut-être pas exactement une métaphysique, mais en tout cas une poétique à tendance métaphysique, d’où les corps, femmes, hommes, meubles, poteaux et bouts de métal disparaissent dans une nuée ou sont équarris en parcelles, pour mieux montrer l’éphémère qui s’y dérobe dans un fondu incertain et indéterminé.

Dans cette disparition pourtant, tout mouvement est
« recouvert » : car enfin c’est la couleur-lumière qui domine tout et rend finalement évanescente la forme entraperçue et déjà évanouie, immédiatement trépassée, mais jamais tout à fait transparente ni totalement oubliée.

 

Aurélie Ferrand