Bel et bien sans nous

 

Martine-Émilie Jolly est du Nord, du pays des vastes espaces, avec la mer proche et ses ports qui s’ouvrent au monde selon une " fluidité " que cette photographe connaît bien.

Ce qui frappe lorsque l’on pénètre dans sa création photographique, c’est la rigueur de ces constructions spatiales. Une rigueur prise sur le vif, sans retouche, comme si un nombre d’or réglait sa boussole interne de preneuse d’images.

De grands axes de cheminées ou de grues, un bord de quai, des gravats, un fouillis d’herbe… tout du paysage passe par de grandes et puissantes tensions qui le redessinent à nos yeux.

Les couleurs d’une grande douceur, qui captent une lumière quasi indirecte retombant comme en pluie fine sur l’espace, participent, elles aussi, de ces constructions paysagères.

Parfois, l’espace semble se théâtraliser en un lieu scénique, hors du temps, où il ne se passerait plus rien. Métaphysique, le paysage dérobé pourtant à une réalité, devient comme une utopie, un rêve de boîte noire. Nous douterions, dans ces cas-là, que son existence ait bien eu lieu.

Car entre ce paysage réel saisi au fil des heures et des jours et les images construites, se sont glissés des intervalles, d’autres images sans doute.

Celles de la mémoire, voire, celles d’un dessin intérieur. Celui-ci se fait très discret pourtant, mais il nous touche.

Jacquie Barral