>  artistes & auteurs  >> artistes  >>>  Mahjoub Ben Bella

A chacun son mythe. Les peintures en ont aussi. Mahjoub Ben Bella : vers six, sept ans. Il ne savait pas encore tout à fait lire ni écrire. Il n’avait que des rudiments. Il ne comprenait pas le sens des mots. Il s’emparait de livres scientifiques ou médicaux, de dictionnaires. Il recopiait avec application des pages entières en inventant, en réinventant les caractères, les mots, les lignes. Ca avait un rapport avec le tricot, dit-il aujourd’hui. Il adorait tricoter. Une maille à l’endroit, une maille à l’envers. Le tricot c’est comme une écriture serrée. Ecriture par la laine ou par le fil. Le motif naît de l’entrelacement des mailles. La maille naît du geste expert des doigts. Recopier des livres et tricoter, les deux seules passions à cet âge. Avec le foot peut-être.

Il revendique ce souvenir d’enfance fondateur. Bien sûr, il a tout appris aux Beaux-Arts et ailleus, la nature morte, le paysage, le nu… Bien sûr, il a été fasciné par les calligraphies orientales qu’il a souvent rejointes. Mais son abstraction n’est ni religieuse ni politique, ni théorique, ni polémique. Il revendique la non-signifiance. Comme il aligne ses lettres fausses et folles, le peintre construit ses pages. Colonnes, hiéroglyphes, poèmes, entrefilets, versets, tablettes, parchemins, enluminures, lettres ornées, entralacs, miniatures, autant de massifs d’écritures et de signes, seuls ou agglomérés en masses compactes, et qui de loin attirent l’oeil dans leurs pièges ironiques. Circulez, y a rien à lire !

Il n’a aucun texte en tête. Comme dans un rêve, le livre se déploie, tourne ses pages en nombre infini, il est couvert d’une écriture serrée, il vous révèle tous les secrets du monde, la richesse comme la sagesse, l’amour comme l’immortalité. Au réveil, il y a quand même un tableau. Heureux peintre qui a écrit des milliers de pages sans jamais délivrer aucun message !

Et puisque nous en sommes aux souvenirs et à l’enfance de l’art… Les amulettes, ce sont celles que sa mère lui mettait autour du cou lorsqu’il était malade. Autre souvenir encore, la croix, les quatre points dans les intervalles. Encore la mère : au four public à Oujda, chaque famille avait son signe pour cuire le pain ; elle y enfonçait ses quatre doigts. Une façon aujourd’hui de réintroduire l’autobiographie dans l’abstraction la plus affirmée.

 

Alain Jaubert

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