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Alin Anseeuw - 2006

Les toiles d’Alin Anseeuw déploient leurs formes allusives dans une dimension qui n’est pas intégralement déspatialisée. Malgré le renoncement au champ de profondeur, le peintre n’aplanit pas vraiment notre regard. C’est le monde visible, au contraire, qui est obligé de se poser sur une sorte de tache aveugle initiale, où des météorites traversant la pesanteur, des courbes détachées de leur fruit métallique, des branches de compas dilatées, des empreintes de pas fleuries en digitations neigeuses, se choquent, se juxtaposent, se déforment, fondant un extérieur aussi profond que pariétal, lequel, par les hasards de ses représentations, ni imagées, ni imitatives, postule l’existence incertaine de la Vision intérieure, notre vision voilée, trompée, hallucinée.

Les formes adossées, confrontées les unes aux autres, éparses, interceptent le regard de la certitude, frappent un œil mystérieux, étranger, par des lignes qui ne sont ni attendues, ni compréhensives. Elles se dévoilent comme des surfaces autonomes, des interfaces fragmentaires, séparées ou condensées par un dynamisme chaotique, d’une invincible puissance.

Parfois d’ascendance cubiste, ailleurs de parenté indienne ou boréale, le monde d’Alin Anseeuw est d’une composition moins totalement abstraite que celui des maîtres de l’abstrait tels Villon, Manessier, Gleizes, Bryen. Il se rattache, par quelques indices chromatiques, des harmoniques dans l’imbrication des géométries, à une nostalgie moins minérale, cet instant d’enchantement où les vrais jouets sont absents, où les solides et les horizons se changent en parures qu’abandonnent et reprennent sans cesse d’hypothétiques invités aux bizarreries du temps.

Une fenêtre constitue le thème de l’une de ces toiles. Si les couleurs du peintre n’y ont pas cette sorte de vivacité de mosaïste, qui n’oublie pas la terre et joue de son grain, qu’on retrouve dans les autres œuvres, elle symbolise dans une conception plus unitaire, la captivité du réel vivant, comment une partie, en se détachant d’un tout, naît pour elle-même, et abolit la cohérence dont elle provient, comment l’informe et l’infini du dehors ouvrent, et eux seuls, sur l’invisible et l’inconnu du dedans.

C’est cette œuvre qui semble la source principale des collages exposés… Au nombre d’une douzaine, d’une dimension plus réduite que celle des toiles, leur production, commencée vers 1972, s’est poursuivie jusqu’à ce jour. Si les tons sombres dominent, la couleur est toujours présente, soit dans les matériaux utilisés, soit par rajout du peintre, avec ce grain vif et ferme, qu’on a déjà signalé. Ces collages assemblent, juxtaposent des encres, des « chutes » de différents papiers et cartons (série des « Fric Market » et des « Bristol Market ») des calques, des pliures, des fragments de gravures et de journaux. La structure initiale qui régit ces assemblages, est souvent d’une définition très strictement centrée par rapport à l’indéfini, creusant et boursouflant tout ce qui s’affirme complexité expressive. Mais, la plupart du temps, des débordements au papier découpé ou au crayon noir se surajoutent à la construction primitive, sans lui ôter son original mélange d’élégance et d’austérité.

Plus stylisé dans les collages, plus violemment événementiel dans ses huiles, l’art l’Alin Anseeuw fait se rencontrer les vestiges et les produits de l’opaque en une sorte de prélude intransigeant à cet opaque souverain. Prélude et vestiges : le sentiment du peintre nous donne la connaissance.

 

Armand Olivennes